Catherine Issert et son monde artistique étoilé

On dit quel'imagination et les rêves sont les épices sans les quelles notre vie n'aurait ni le bon goût ni la bonne couleur. S'il y a ne serait-ce qu'une once de vérité dans ce dicton, alors il est clair pourquoi la petite ville de Saint-Paul de Vence est devenue une scène artistique si recherchée – son atmosphère débordante de couleurs oniriques est le meilleur assaisonnement pour l'imagination... Aujourd'hui, comme il y a un demi-siècle, lorsque la Galerie Catherine Issert a ouvert ses portes pour la première fois. Comment le temps s'est-il écoulé dans cet environnement rempli d'inspiration créative et d'idées ? Avec Catherine Issert, propriétaire de la galerie, nous avons discuté non seulement d'art contemporain...

Il est très facile de tomber amoureux de l'atmosphère d'ici, j'ai moi aussi succombé à son charme. Bien sûr, c'est une chose de découvrir l'environnement en tant que visiteur et une autre d'y grandir, d'y créer, d'y travailler. Selon vous, quels sont les moments les plus importants qui font de Saint-Paul de Vence un lieu si original ?

La fréquentation dès les années 20 des grands peintres du début du siècle: Renoir, Modigliani… et des mécènes-collectionneurs comme les Noailles. Dans les années 40-50: Prévert, Picasso, Matisse et bien d'autres. Plus tard, le monde du cinéma…

Revenons quelques décennies en arrière - en 1975. Quels étaient vos sentiments lorsque vous vous êtes lancée dans le projet de la Galerie Catherine Issert et comment vos idées se sont-elles concrétisées avec le recul ? Quelles expériences vous a apporté votre travail à la Fondation Maeght ?

La fondation Maeght dès son ouverture en 1964 a été très formatrice par ses expositions sur l'art contemporain international et les Nuits de la Fondation dès 1967. En 1975, j'avais achevé mes études (licence d'art et Ecole du Louvre), connu de nombreuses galeries d'art contemporain à Paris, travaillé avec la galerie Jean Founier et la galerie Maeght. J'étais au fait des mouvements d'art émergents et j'ai souhaité les montrer dès l'ouverture de la galerie comme Support-Surface et Claude Viallat qui inaugure la galerie.

Dans quelle mesure avez-vous été influencée par les personnalités artistiques avec les quelles vous avez eu l'occasion d'être en contact à cette époque ? Que signifiant pour vous le fait d'habiter à côté du restaurant-hôtel La Colombe d'Or, fréquenté par des artistes tels que Miró, Picasso, Matisse, Braque, Chagall...

Une inspiration naturelle, quotidienne. Mes parents avaient un Hotel La Résidence face à la Colombe fréquenté aussi par des gens du milieu culturel.

Votre père, Marius Issert, était également une personnalité importante qui - comme je l'ai lu - a été maire de Saint-Paul de Vence pendant de nombreuses années et grâce à qui de nombreux monuments historiques locaux ont été sauvés, comme les célèbres remparts. Quel est votre endroit préféré dans votre ville natale ?

Le tour des remparts ou est, au coucher du soleil, face à la mer!

J'admire la façon dont Saint-Paul de Vence a réussi à merveilleusement conjuguer le passé avec le présent et, parfois même, avec le futur. Je pense au caractère historique de la petite ville avec ses ruelles étroites, ses fontaines et ses remparts mentionnés, qui se connectent parfaitement avec la création contemporaine du 21e siècle. La Biennale, qui s'y tient depuis 2018, en est l'une des preuves. Est-il facile (ou difficile) d'imaginer des thèmes et de sélectionner des artistes pour un tel événement ?

Facile parce que passionnant et que c'est mon métier. Nous espérons très fort que la Biennale continue.

Quel écho la Biennale a-t-elle en France et à l'étranger ? La dernière exposition en plein air, dont la devise était les mots de Jacques Prévert "Au hasard des oiseaux", a également accueilli notre sculptrice tchèque Anna Hulacová... Quel est l'intérêt des artistes pour de tels événements ?

Se lier à l'histoire de cette région si riche en passé et apporter leur vision du monde actuel et de l'art actuel. C'est un enrichissement réciproque.

Depuis le tout début de la Galerie Catherine Issert, vous êtes en contact avec la scène artistice internationale et collaborez avec d'importants artistes étrangers (biensûr, je dois mentionner dans ce contexte les sculpteur et peintre d'origine tchèque Vladimir Skoda). Quelles sont les activités que vous considérez comme les plus importantes, tant du point de vue de la galerie que personnel ?

Je n'ai aucune hierarchie dans mon métier. Tout me passionne. Bien sûr, j'aime expérimenter dans le lieu de ma galerie un travail qui m'a interpellé, lui donner la plus grande visibilité possible et faire partager mon intérêt pour les oeuvres.

La liste des artistes avec les quels vous avez collaboré au fil des ans serait très longue. Certes, chaque période est exceptionnelle à sa manière, mais y a-t-il des moments dont vous aimez particulièrement vous souvenir, même après un certain temps ? Ou au contraire, des moments que vous préféreriez effacer ?

Il peut y avoir des échecs et des ruptures. Je suis plutôt engagée dans le long terme et la fidelité. Chaque artiste est la source de souvenirs inoubliables. Impossible de faire un choix.

On sait que vous soutenez beaucoup les jeunes artistes. Qu'appréciez-vous dans leur approche, leur expression artistique, et en quoi leur relation à la création diffère-t-elle des générations précédentes ?

J'aime particulèrement les filiations venant de ma formation en histoire de l'art. J'aime sentir ces liens dans le travail et en même temps être surprise par un langage et une vision qui n'appartiennent qu'à leur époque et à leur personnalité.

Cette année est très importante pour vous et certainement riche artistiquement - la Galerie Catherine Issert célèbre son 50e anniversaire. Quels sont les moments que les amateurs d'art peuvent déjà attendre avec impatience ?

Retrouver les artistes qui ont jalonné ces 50 ans d'histoire et être surpris par des propositions inédites pour notre anniversaire.

Je n'aime pas trop les phrases qui commencent par 'si', mais je vais essayer de demander : Si, il y a un demi-siècle, on vous avait proposé d'ouvrir une galerie d'art contemporain à Paris, l'auriez-vous accepté ou auriez-vous résisté ?

J'y ai songé pendant des années et j'ai trouvé dans mon choix de rester à Saint Paul une liberté beaucoup plus grande.

Préparé par: Stanislava Bezdeckova

Photo: © Office de Tourisme de Saint-Paul de Vence, Galerie Catherine Issert